En 2007, la société SFR Service clients transférait son centre d’appels de Toulouse – en même temps que ceux de Lyon et Poitiers –, avec un total de 1 877 salariés, dans
le cadre d’une cession se doublant d’un contrat de sous-traitance conclu avec Infomobile, filiale de Teleperformance. Dans les mois suivants, la plupart des salariés quittaient leur nouvel employeur dans le cadre d’un plan
de départs volontaires, mis en œuvre par Teleperformance et… financé par SFR. Saisi par deux cents salariés, le conseil de prud’hommes de Toulouse a jugé, le 6 juillet, que le schéma mis en place par SFR et Teleperformance mettait en évidence leur « collusion frauduleuse » ayant conduit à la rupture des contrats de travail des salariés.
Il est apparu que les sociétés se sont entendues, d’une part pour permettre à SFR de s’exonérer de la mise en place d’un plan de sauvegarde – et pour cause puisque, cette société étant florissante, elle n’aurait pu y procéder –, d’autre part pour transférer la charge des ruptures au cessionnaire. Au préalable, les salariés avaient obtenu du juge départiteur la condamnation des sociétés à communiquer le contrat de sous-traitance. Le conseil de prud’hommes a condamné solidairement SFR et Teleperformance à indemniser les salariés pour avoir perdu une chance de conserver leur emploi. Car, au-delà des ruptures des contrats de travail, les manœuvres des entreprises ont fait perdre aux salariés toute chance de conserver un emploi stable au sein d’une entreprise prospère. D’où une indemnisation de ce préjudice indépendamment et, en sus, de celle liée à la rupture des contrats.
L’étude de la jurisprudence indique que le licenciement concomitant à un transfert au titre de l’article 1224-1 du nouveau Code du travail est illicite et peut aboutir soit à la nullité du licenciement dans certaines espèces, soit au prononcé d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Or, l’exposé des faits démontre que SFR Service clients ne rencontrait pas de difficulté économique dans le secteur d’activité des centres d’appels et que la réorganisation de cette activité
a eu pour objet de conduire
à la rupture des contrats de travail
de la quasi-totalité des 1 877 salariés des trois centres. Surtout, SFR
a transféré la charge de ces ruptures, en les finançant, à la société de sous-traitance qu’elle a agréée. D’ailleurs, les sociétés ne tentent même pas d’invoquer un quelconque motif économique au transfert. Cela est
si vrai que Teleperformance comme SFR-SC ont reconnu devant la cour d’appel de Toulouse cette volonté
de faire une économie.
Un appel ne manquera pas d’être formé par les sociétés. Toutefois,
il semble bien que le schéma retenu pour ce transfert prenne l’eau de façon irrémédiable. Il est à souhaiter que
ces décisions aideront à mettre
un frein aux filialisations, délocalisations et transferts en tout genre opérés
par le truchement de plans de départs volontaires ou autres artifices juridiques, et en méconnaissance
du droit du travail et de ses dispositions en faveur du maintien de l’emploi.
Romain Geoffroy
Source : L'Humanité
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